droit bancaire : clause lombarde et clause abusive
Comme on le sait pour l’avoir lu à plusieurs reprises, déjà en 2005, la Commission des Clauses Abusives, dans une recommandation du 14 avril, avait indiqué que la clause contractuelle prévoyant un calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année lombarde de 360 jours était abusive et encourait dès lors l’annulation :
"8 - Considérant qu’une clause prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ; qu’une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur".
Ainsi, cette recommandation, qui concernaient les comptes courants, recommandait que soient éliminées des conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou non-professionnels les clauses de ce type.
Les banques, dans les affaires relatives à l’année lombarde dans des prêts immobiliers, affirmaient alors pour se défendre que cette recommandation, qui concernait strictement les comptes de dépôt, ne pouvait être applicable aux crédits immobiliers.
Cela étant, le Tribunal de Grande Instance de Metz, dans un arrêt du 21 février 2019, a jugé que cette recommandation devait s’appliquer aux crédits immobiliers [1].
Les Juges de Besançon sont encore allés plus loin le 8 octobre 2019 [2], en s’exprimant très clairement sur cette question et en indiquant, sans équivoque possible que "si cette recommandation vise les contrats d’ouverture de comptes de dépôt, elle est nécessairement transposable aux calculs d’intérêts faisant intervenir un taux quotidien, tels que les intérêts intercalaires des prêts immobiliers."
"Attendu qu’il n’est pas contesté que M. X est un emprunteur non-professionnel ; qu’il est admis de façon constante par la haute juridiction au visa des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L313-1, L313-2 et R313-1 du Code de la consommation que le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile ;
Qu’il importe peu que l’appelante tente de se prévaloir de l’absence de surcoûts d’intérêts ou de l’équivalence des calculs au motif que les intérêts contractuels seraient dans les deux cas, 360 ou 365 jours, calculés sur une base de 1/12°, lorsque le contrat précise dans ses conditions générales que les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d’une année bancaire de 360 jours, dès lors que c’est la clause elle-même qui, en privant l’emprunteur de la capacité de calculer le surcoût clandestin qu’induit cette référence à l’année lombarde, a créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties."
Ainsi, les Juges considèrent ici que la seule présence de la clause lombarde au contrat de prêt souscrit doit conduire à la condamnation de la Banque sans qu’elle puisse justifier par des calculs le prétendu défaut d’incidence de cette clause.
La Cour considère alors que le taux annuel conventionnel n’a pas été valablement stipulé, à défaut de mode de calcul valide le définissant.
La sanction retenue par la Cour d’appel consiste en la substitution du taux d’intérêt légal à l’intérêt conventionnel, depuis l’origine du contrat et pour les échéances à venir jusqu’à la fin du prêt, et en la condamnation subséquente de la banque à rembourser aux emprunteurs les sommes indûment perçues par elle au titre de l’intérêt conventionnel invalidé.
Cette solution reprend ainsi une tendance qui s’était déjà dégagée sur la base du formalisme, mais cette fois sur le fondement précisément des clauses abusives.
Mais surtout, cet arrêt ouvre une voie particulièrement intéressante au profit des emprunteurs, et non des moindres..., les juges rappellent en effet aux termes de cette décision que l’action qui tend à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle en application des dispositions de l’article L132-1 du Code de la consommation (qui vise les clauses abusives), et à la voir en conséquence déclarée non écrite, donc rétroactivement inexistante, ne s’analyse pas en une demande en nullité de ladite clause, de sorte que n’étant pas soumise à la prescription quinquennale, elle est imprescriptible