Menu

bancaire : TEG erroné, la sanction est une déchéance partielle du droit à interets

bancaire : TEG erroné, la sanction est une déchéance partielle du droit à interets

Que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2019, quelle que soit la nature du prêt consenti et que ce soit au niveau de l’offre de prêt ou de l’acte authentique, la sanction encourue par le prêteur est une déchéance partielle du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge en tenant compte du préjudice subi par l’emprunteur.

Avis n° 15004 du 10 juin 2020
Arrêt Cass. Civ. 1ère, 10 juin 2020 n°18-24.824
Arrêt Cass. Civ. 1ère, 20 mai 2020 n° 19-10.982

Le 27 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis portant notamment sur l’application rétroactive ou non de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 qui a unifié les sanctions applicables en cas de défaut ou d’erreur du TEG.

Dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier soumis aux dispositions du Code de la consommation l’article L.312-33 (devenu l’article L.341-34) par renvoi à l’article L. 312-8 (devenu L. 313-25) le défaut de mention du TEG ou l’erreur affectant ce dernier était spécifiquement sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge et non par la nullité de la stipulation d’intérêts.

L’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 avait donc harmonisé les sanctions civiles du défaut de mention du TEG ou d’indication d’un TEG erroné en précisant que la seule sanction applicable en pareille hypothèse était la déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur.

Dans son avis n°15004 du 10 juin 2020, la Cour de cassation rappelle que l’ordonnance de 2019 ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du Code civil selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et qu’elle n’a donc pas d’effet rétroactif.

Pour autant, la Cour de cassation précise dans ledit avis que, quand bien même l’article L. 341-34 du Code de la consommation n’aurait pas vocation à s’appliquer rétroactivement, l’omission ou l’erreur du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt doit être sanctionnée par une déchéance partielle du prêteur de son droit aux intérêts. Elle reprend en outre les termes de l’ordonnance en précisant qu’en pareil cas le juge doit apprécier la gravité de la faute commise par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur.

Dans un arrêt du même jour (Cass. Civ. 1ère, 10 juin 2020 n°18-24.824), la Cour de cassation confirme sa position. Elle rappelle que :

« Selon l’article L. 313-2, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le taux effectif global (TEG) doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.
En l’absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l’offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu’en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité, l’inexactitude de la mention du TEG dans l’écrit constatant tout contrat de prêt, comme l’omission de la mention de ce taux, qui privent l’emprunteur d’une information sur son coût, emportent l’annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165). 
Pour les contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.
Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge. »

Ainsi que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2019, quelle que soit la nature du prêt consenti et que ce soit au niveau de l’offre de prêt ou de l’acte authentique, la sanction encourue par le prêteur est une déchéance partielle du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge en tenant compte du préjudice subi par l’emprunteur.

Dans cette même demande d’avis, la Cour de cassation était questionnée sur la sanction encourue par le prêteur en cas de mention dans l’offre de crédit immobilier d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile.

Pour la Cour de cassation cette question ne pose pas de difficulté sérieuse dès lors qu’il a été jugé que la sanction exclusive était la déchéance du droit aux intérêts (et non la nullité de la stipulation d’intérêts) et ce sous réserve que l’inexactitude entraîne un écart supérieur à une décimale (Cass. civ., 1ère, 11 mars 2020 n°19-10.875).

La dernière question posée à la Cour de cassation était relative à la mention du taux de période et de la durée de la période dans un avenant à un contrat de prêt immobilier. 

Là encore la Cour de cassation considère que la question ne pose pas de difficulté sérieuse dès lors qu’il a été jugé qu’en cas de renégociation d’un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant comprenant diverses infirmations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (Cass. Civ. 1ère, 5 février 2020, n°18-26.769).

Le dernier arrêt de la Cour de cassation en date du 20 mai 2020 (Cass. Civ. 1ère, 20 mai 2020 n° 19-10.982) a trait aux prêts consentis aux personnes morales de droit public. Dans le cadre du contentieux spécifique de ce type de prêts la loi n°2014-844 du 29 juillet 2014, dans son article 1, a validé rétroactivement la stipulation d’intérêts de ce type de crédits nonobstant le défaut de mention ou la mention erronée du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période.

Dans cette affaire, une commune sollicitait la nullité de la stipulation d’intérêts au motif du défaut de mention du TEG dans les télécopies de confirmation, du caractère erroné de celui-ci dans les contrats de prêts et du défaut de mention du taux et de la durée de la période.

Elle prétendait que la banque ne pouvait lui opposer la loi de juillet 2019, laquelle était contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et notamment à son article 6 prévoyant le droit de toute personne à un procès équitable.

Elle soutenait également que cette loi ne faisait pas obstacle à sa demande de nullité de la stipulation d’intérêts fondée non pas sur les cas prévus par son article 1 mais sur un manquement du prêteur à son obligation d’information du nouveau TEG applicable suite à la révision de l’indice de référence.

En l’occurrence les taux variaient en fonction d’index et de cours de change et la commune arguait que cette variation nécessitait de procéder à des calculs complexes de sorte que le prêteur aurait dû lui communiquer à chaque variation le nouveau TEG applicable. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la commune :
Elle rappelle que la commune est une personne morale de droit public et exerce à titre une partie de la puissance publique et qu’elle ne peut ni saisir la Cour européenne des droits de l’homme ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou de son protocole additionnel et ce quelle que soit la nature du litige.
Elle approuve les juges du fond d’avoir considéré qu’en cas de taux révisable sur la base d’un indice objectif le prêteur n’a pas d’obligation d’informer l’emprunteur de la modification du TEG et que les taux d’intérêts prévus aux contrats de prêts variant en fonction d’index et de cours de change constituaient des indices objectifs. 

Publié le 03/08/2020