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cautionnement : Mention manuscrite de l'acte de cautionnement : le bénéficiaire de la caution doit être nommé et non pas seulement déterminable

cautionnement : Mention manuscrite de l'acte de cautionnement : le bénéficiaire de la caution doit être nommé et non pas seulement déterminable

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 novembre 2020




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 649 F-D

Pourvoi n° T 19-15.893




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020

La société NACC, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-15.893 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. U... O...,

2°/ à M. M... O..., pris en qualité d'héritier de Q... A..., épouse O...,

tous deux domiciliés [...] ,

3°/ à Mme J... O..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société NACC, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. M... O..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme J... O..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 février 2019) et les productions, par un acte du 15 décembre 2009, la société Banque Pelletier a consenti un prêt à la société Évolution automobile de Lastresne (la société), en garantie duquel M. U... O... et Mme Q... O... se sont rendus cautions solidaires.

2. Par un acte du 5 avril 2013, la société Crédit commercial du sud-ouest, venant aux droits de la société Banque Pelletier, a assigné en paiement les cautions, puis par un acte des 14 et 15 octobre 2015, la société Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique, venant aux droits de la société Crédit commercial du Sud-Ouest, a assigné en paiement M. M... et Mme J... O..., ayants droit de Q... O..., décédée en cours d'instance.

3. La société Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique a cédé sa créance sur la société Évolution automobile de Lastresne à la société NACC qui a repris l'instance contre les consorts O.... Ceux-ci lui ont opposé la nullité de l'engagement de caution litigieux, faute de satisfaire aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable.

Enoncé du moyen

4. La société NACC fait grief à l'arrêt d'annuler le cautionnement solidaire conclu le 5 novembre 2009 par M. M... O... et Mme Q... O... et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ qu'est valable l'engagement de caution, souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel, dès lors que la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, permet de déterminer l'identité du débiteur garanti, fût-ce par renvoi à une autre clause du même acte ; qu'en déboutant la société NACC de sa demande en paiement cependant qu'il résultait de ses propres constatations que, d'une part, les cautions étaient les parents du gérant de la société débitrice, lequel s'était également porté caution du remboursement du même prêt et, d'autre part, que le nom de la société débitrice figurait sur la première page de l'acte de cautionnement, ce dont il résultait que l'identité du débiteur garanti était nécessairement connue des cautions, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

2°/ que l'engagement de caution, souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel, n'a pas à comporter le nom du débiteur principal dans la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, dès lors que la caution a elle-même signé le contrat de prêt ; qu'en déboutant la société NACC de sa demande en paiement, cependant que celle-ci faisait valoir que les cautions avaient elles-mêmes contresigné l'acte de prêt en qualité de « constituants » de sorte qu'elles ne pouvaient invoquer le fait que la mention manuscrite visant le « bénéficiaire du crédit » ne permettait pas de déterminer l'identité du débiteur garanti, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté, par motifs adoptés, que le bénéficiaire du cautionnement n'est désigné par chacune des cautions, en page 3 de leur engagement, que par la seule mention manuscrite « bénéficiaire du crédit », la cour d'appel en a exactement déduit que, faute de désignation du débiteur garanti par son nom ou sa dénomination sociale, à la place de la lettre « X » de la formule légale, dans la mention manuscrite par chaque caution, le cautionnement du 15 décembre 2009, était nul, peu important l'existence d'une mention pré-imprimée figurant dans le corps du contrat de cautionnement indiquant la dénomination sociale du débiteur garanti, ou que l'une des cautions fût, par ailleurs gérant, de la société cautionnée.

6. Le moyen n'est donc fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société NACC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société NACC et la condamne à payer à MM. U... et M... O... et Mme J... O... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société NACC.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé l'annulation du cautionnement solidaire consenti par acte sous seing privé du 5 novembre 2009 par M. U... O... et son épouse Madame Q... O... et d'avoir débouté la société Nacc de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'opinion du tribunal selon laquelle le fait pour les cautions d'avoir remplacé la variable de la formule manuscrite, prévue à l'article L.341-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la date de la signature des actes litigieux, par « le débiteur cautionné » plutôt que par son identification complète, ici, « la société Evolution Automobile de Lastresne » doit conduire à prononcer la nullité des actes de cautionnement litigieux est judicieuse. Cette position est d'ailleurs celle adoptée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 24 mai 2018 (n°16-24400). Cette décision opportunément citée par les cautions est intervenue dans une espèce similaire. Aussi, la décision déférée sera-t-elle confirmée pour les motifs qu'elle comporte sans qu'il soit nécessaire de discuter plus avant le surplus des moyens développés par les parties. (arrêt attaqué p.4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il est produit aux débats l'engagement de caution signé par les époux O... le 5 décembre 2009, dont la lecture révèle que le nom du bénéficiaire du cautionnement n'apparaît pas dans la mention manuscrite de chacune des deux cautions solidaires en page trois de l'acte, avec pour seule mention « le bénéficiaire du crédit », mais a fait l'objet d'une mention pré-imprimé en page une de l'acte à la rubrique désignation du débiteur cautionné, « la société Evolution Automobile de Latresne ». Il convient dès lors de s'interroger sur la portée de la mention manuscrite apposée par chacune des deux cautions solidaires « le bénéficiaire du crédit », aux lieu et place de l'identité réelle de la société cautionnée « La société Evolution Automobile de Latresne » est de nature à affecter le sens ou la portée de la mention prescrite par l'article précité et de rendre nul l'engagement de caution. Le formalisme prévu par l'article L. 341-2 a pour objectif de faire prendre conscience à la caution de la gravité du contrat qu'elle conclut et de s'assurer qu'elle a compris la nature et la portée de l'engagement souscrit. Il ne peut être dès lors soutenu par le cessionnaire, demandeur à l'instance, que l'absence de désignation de l'identité du débiteur cautionné dans la mention manuscrite de deux personnes physiques qui se sont portées cautions solidaires du prêt n'est pas une cause de nullité de l'acte de cautionnement consenti par acte sous seing privé, au motif que cette identité est mentionné en page première du même acte par une mention pré imprimée, dès lors que ce formalisme, certes contraignant pour l'organisme créancier bénéficiaire du cautionnement, a pour vocation ainsi que rappelé ci-dessus d'alerter la caution solidaire des effets de son engagement et qu'à l'évidence la lettre « X » figurant dans le texte de loi doit être remplacée par la désignation du débiteur principal et non par la qualité d'une partie sans mention de son identité, de nature à permettre à la caution de s'assurer de la désignation du débiteur garantie, peu important la mention pré imprimée figurant en page un de l'acte de cautionnement, alors même que le gérant de la société débitrice principale, M... O... s'est lui-même porté caution solidaire du prêt consenti à la société Evolution automobile de Latresne. Il s'ensuit qu'il y a lieu à ordonner l'annulation du cautionnement consenti par acte sous seing privé du 5 décembre 2009 par les époux U... et Q... O... pour non-respect du formalisme prévu par l'article L. 341-2, de sorte que la société Nacc, en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la société banque populaire Aquitaine Centre Atlantique sera déboutée de sa demande (jugement p.4 et 5) ;

ALORS D'UNE PART QU'est valable l'engagement de caution, souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel, dès lors que la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, permet de déterminer l'identité du débiteur garanti, fût-ce par renvoi à une autre clause du même acte ; qu'en déboutant la société Nacc de sa demande en paiement cependant qu'il résultait de ses propres constatations que, d'une part, les cautions étaient les parents du gérant de la société débitrice, lequel s'était également porté caution du remboursement du même prêt et, d'autre part, que le nom de la société débitrice figurait sur la première page de l'acte de cautionnement, ce dont il résultait que l'identité du débiteur garanti était nécessairement connue des cautions, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

ALORS D'AUTRE PART QUE l'engagement de caution, souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel, n'a pas à comporter le nom du débiteur principal dans la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, dès lors que la caution a elle-même signé le contrat de prêt ; qu'en déboutant la société Nacc de sa demande en paiement, cependant que celle-ci faisait valoir que les cautions avaient elles-mêmes contresigné l'acte de prêt en qualité de « constituants » de sorte qu'elles ne pouvaient invoquer le fait que la mention manuscrite visant le « bénéficiaire du crédit » ne permettait pas de déterminer l'identité du débiteur garanti, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016

Publié le 01/03/2021